Quand la mort côtoie l’enfance qui nous traverse d’un bout à l’autre, à quoi assistons-nous ?

Voici des miracles ordinaires, des vertiges, des bonheurs fugaces qui réclament une parole. Voici l’aube fabuleuse, et une jeunesse qui ne cesse de fleurir, là même où on ne l’espérait plus.

C’est un regard sur le petit, l’humble. L’imparfait. L’éphémère. Pour en faire valoir la lumière et la beauté. Et c’est aussi un défi stylistique : écrire de la poésie sans dire « je ». Ni « tu » d’ailleurs. Fine et épurée, l’écriture nous transporte autant qu’elle nous rive à nos racines les plus sourdes, à la terre / tendue de beauté.

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Comment arrive-t-on à renouveller chaque jour son regard sur les choses qui nous semblent banales, ordinaires, voir ennuyeuses ? Comment arrive-t-on à se débarasser de la lourdeur du quotidien, de l’anxiété qui semble jeter l’ancre dans nos veines ? Est-ce en respirant que les choses prennent vie à nos yeux ? C’est avec ce genre de questions que l’on sort du recueil de Mario Cyr, tant les mots semblent nous déplacer entre le sublime et la noirceur des choses qui s’écroulent.

Avec du recul, les souvenirs ne sont plus tout à fait les mêmes, les sensations, différentes. Pas seulement lointaines ou décalées mais aussi étrangères. Avons-nous vraiment vécu ce moment ? Qu’est-ce qui le prouve ? Avons-nous réellement ressenti cette sensation de grelottement d’être resté trop longtemps sous la pluie ? La douceur d’un premier baiser d’amourette ? Les choses telles qu’elles ont eu lieux et comment nous nous les remémorons sont deux entités.

un chat sur la corniche

comment l’en empêcher

chemin de la garderie

la fillette le père

feuilles d’automne

bruit de meringue

Ainsi, le recueil nous permet de connecter avec nos affects et percepts. On plonge dans nos référents pour se connecter à la mémoire des sens. La douceur et la sobriété qui émane de ces pages (au grain agréable et à la direction visuelle et artistique accrocheuse du livre) nous laisse songeur. On nous pousse à l’introspection. Avons-nous suffisamment vécus de choses ?

l’aléatoire est le 5ème élément

jusqu’où plane le pollen

roule le grain de riz le copeau

leçon des cataclysmes

la nature seule en réchappe

Le fait d’écrire en évitant l’usage de la première et deuxième personne du singulier permet à l’oeuvre de se teinter d’un caractère plus impersonnelle, nous laissant ainsi plus de place – toute la place.

ils trouvent un 10 sous

et le crépuscule très beau

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12 x 17 cm

2019

| 72 pages

15,00 $ (papier)

9,99 $ (EPUB et PDF)

https://www.apediteur.com/litterature/livre/couleur-de-lame