Fuck you poursuit le projet poétique entamé avec 911. Si le premier temps de cette trilogie était celui d’un appel à l’aide, le deuxième marque la révolte du narrateur devant l’impossibilité d’entrer en relation avec l’autre, dans un ménage à trois où les opioïdes assurent la fonction sentimentale.

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Après l’acclamé 911, Daniel Leblanc Poirier nous revient avec le 2ème livre d’une trilogie à compléter. Avec Fuck you, l’auteur cherche à décortiquer les mécanismes qui enrayent les possibilités dans la rencontre entre soi et l’autre, les envies, les désirs, les différentes visions, les complications – bref tout ce qui se loge, comme du gravier, entre les rouages qui alimente une rencontre.

quand les chevaux se promènent

dans tes cheveux

je touche du bout du losange

le dairy queen de ton clitoris

tu mouilles des tickets de hockey orange

et je les collecte

je passe ma main dans ta craque

et le canadien perd

Autant on peut comprendre la tentative d’écrire un recueil ayant une esthétique radicale et sans compromis, voire punk, autant le résultat ne fait pas fière allure sur papier. Ironiquement, c’est une rencontre qui n’opère pas. Les images sont souvent premier degré et convenues, parfois même grossière, mais pas au sens vulgaire. Simplement peu recherchées et peu inspirantes, elles composent un maëlstrom de colère, d’incompréhension et de frustration émane des poèmes, mais on peine à savoir d’où peuvent surgir de telles impressions.

C’est dommage, car le titre est accrocheur. On s’attendait peut-être à quelque chose d’un peu plus recherché, d’un peu plus raffiné, malgré la tentative de créer une oeuvre coup-de-poing.

Fuck you

Daniel Leblanc Poirier

Mars 2019

http://www.edhexagone.com

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Depuis l’attribution

mon enfant n’a ni grandi ni changé


il reste cette petite chose

encombrante et bruyante


j’essaie de lui couper les cheveux

ils repoussent toujours pareils


il doit être lavé et nourri

sinon son état se détériore


je l’ai remarqué à quelques reprises


Entre la dépendance et le ravissement, entre l’amour fusionnel et le parasitisme, la poète de  »Le tendon et l’os » montre la noirceur qui s’infiltre dans la maternité.

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Quelle relation complexe existe-t-il entre une mère et son enfant ? Le lien charnel qui unit les deux peut souvent sembler aller de soi, comme quelque chose de naturel nourri par un amour sans borne. Mais les choses ne sont pas si simples. Je ne vivrai bien sûr jamais ce sentiment, mais il est possible de s’imaginer ce qu’une relation fusionnelle entre une mère et son fils peut donner – comme toute relation fusionnelle, pour le meilleur et pour le pire.

Mon enfant est lent

je dois le traîner de force

nous marchons

moi le traitant d’idiot

lui geignant

Dans son recueil, Desmeules nous propose de courts poèmes de quelques strophes seulement. Les mots sont peu nombreux, mais nous permettent de bien palper le malaise qui semble l’habiter quand elle est en présence de son petit. On comprends que le récit commence au moment où la narratrice est enceinte et se termine alors que son enfant est en plein milieu de l’enfance. Grâce à des sauts dans le temps, on comprend comment les sentiments de la mère évolue et, parfois même, se contredisent. Le récit est troublant tant on est peu habitué à entendre une mère parler de son rejeton aussi durement. Elle fait souvent allusion à un boulet, un parasite. À travers cette noirceur latente, des moments de tendresse et de lumière surgissent, inespérés.

Être mère mono parentale est-il donc une malédiction ou une bénédiction ? Le livre ne cherche pas à répondre à cette question, mais nous en dévoile un peu plus sur la maternité à l’opposé de ce que la société cherche à nous en faire voir, et ce, d’une manière assez brutale.

Mon enfant apprend

le langage de la rue

sa bouche tachée

crache des mots

pas de son âge

 

je le traîne

par le bras jusqu’au parc

j’engueule les putes

elle nous regardent

vides

rentrer à la maison

 

Le tendon et l’os

Anne-Marie Desmeules

Mars 2019

http://www.edhexagone.com