La perte d’un être cher et la façon dont on traverse le deuil, en surfant comme on peut la crête d’une grosse vague. Tantôt au-dessus de l’écume, tantôt envahi et fracassé par le poids de l’eau. Avec beaucoup de finesse et de pudeur, AJ Dungo, immortalise les instants de grâce de sa relation avec Kristen. La légèreté et l’émotion des premières rencontres, la violence du combat contre la maladie, la noblesse de la jeune femme qui se bat avec calme.


Il évoque en parallèle leur passion commune pour le surf, l’océan. Et évite très justement l’écueil du pathos en intercalant dans son récit personnel, un petit précis d’histoire du surf.

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Que l’on ait eu de la chance dans sa vie ou non, force est d’admettre qu’un jour ou l’autre, le deuil fait son apparition (et plus souvent sans crier garde). Comme les grandes expériences, ils marquent nos vies et les influencent. Ces deuils deviennent des points marqueurs qui nous rappellent ce que pouvait être notre vie avant tel ou tel événement (en général, la perte d’un être cher). Malgré l’expérience traumatisante, il semble que chaque deuil soit fondamentalement différent des précédents, ce qui en fait une expérience à la fois toujours difficile et salvatrice, car la perte de quelque chose amène forcément l’apparition de quelque chose de nouveau. Le vide laissé par la disparition de quelqu’un ne peut qu’être comblé (parfois par quelque chose de temporaire).

Quoiqu’il en soit, le deuil est fondamental à nos existences et tous.tes et chacun.es nous le vivons à notre manière, constamment renouvelé dans son onde de choc. AJ Dungo l’a bien compris car c’est principalement de deuil, mais aussi de passion, dont il est question dans In Waves.

Il y a un peu plus de dix ans, AJ rencontrait une fille (Kristen) qui lui plaisait beaucoup et qui était passionnée de surf. Peu après leur rencontre, Kristen fut diagnostiquée pour un cancer qui lui retirait petit à petit ses capacités physiques. AJ, qui avait peur de l’eau au début, appris le surf grâce à Kristen et en fit de plus en plus alors que Kristen se résolvait à ne plus pouvoir pratiquer sa passion. Consolée de voir son partenaire s’épanouir lui aussi grâce à sa passion première, elle apprit à vivre aux côtés de ses frères (pratiquant aussi le surf) et de AJ.

Le livre alterne entre deux récits : celui de AJ et Kristen puis celui de Duke Kahanamoku (premier champion de surf originaire de Hawaï et ayant démocratisé la pratique du surf dans le monde entier). Dans le premier récit, tout est de bleu alors que les teintes virent au sépia pour le second, rappelant les pellicules des films de Super 8. Bien que relativement épais, le livre ne comporte pas énormément de dialogues. Il y a quelque chose d’assez serein à lire ce roman graphique, bien qu’il soit habité d’un récit au final tragique. Les idées de chaque histoire se superposent naturellement puisqu’on apprend comment l’auteur en est venu à découvrir le surf (grâce à son amoureuse) tout en suivant le récit biographique de Duke, remportant les Olympiques et démocratisant la pratique du surf, et de son apprenti Tom Blake qui aura été, ni plus ni moins, l’architecte de la planche de surf moderne.

Le deuil ne se termine jamais vraiment, comme le dit l’auteur. Parfois il nous laisse un répit pour mieux revenir à la charge. Tout se ressent par vague, comme simple rappel de ce qui nous aura été enlever. Le surf permet à AJ de continuer à faire exister Kristen grâce à leur passion commune qui les aura uni.es pendant une partie de leur vie.

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In Waves – AJ Dungo (Casterman)

https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/albums/in-waves

376 pages

17.2 x 22.7 cm

Souple – Couleur

ISBN : 9782203192393