C’est à une double première que les Violons du Roy et la Chapelle de Québec sous la direction de Jonathan Cohen nous conviaient hier soir à la Maison symphonique. En effet, le nouveau Chef et directeur musical Jonathan Cohen, dirigeait pour la première fois les chœurs et, La Création de Haydn, cette œuvre prestigieuse était pour la première fois au répertoire de la formation comme du celui de Jonathan Cohen.
Œuvre prestigieuse, l’oratorio la Création le fut pour sa performance musicale mais aussi pour l’engouement que la seule annonce de la première représentation publique le 30 avril 1798 suscita à Vienne. Au point que la police dut intervenir pour calmer la foule du public populaire qui n’était pas admis à cette première.
Jonathan Cohen a particulièrement bien choisi son programme pour cette première direction de la Chapelle de Québec. Une œuvre riche autant pour sa création musicale que par son livret. La création présentée en trois parties, chacune dédiée à un temps de la création du monde par Dieu, création des éléments et du règne végétal, puis création du règne animal dont les humains et enfin 7ième jour du repos, de la contemplation par Dieu de son œuvre et des amours d’Adam et Êve ouvrait de multiples possibilités de variations. Une œuvre également riche des ponts qu’elle établit à l’image de ce compositeur qui nourrit son œuvre de ses deux terres d’origine et d’accueil L’Autriche et l’Angleterre non seulement entre les musiques mais aussi entre les textes. Des ponts et même une synthèse cohérente et convaincante entre musique profane et musique religieuse, entre musique baroque et musique classique, entre symphonie, opéra, oratorio… Une œuvre composée dans les dernières années de ce musicien extraordinaire et qui illustre parfaitement, grâce à sa maturité mais aussi les variations qu’offre le livret tout ce que l’histoire de la musique lui doit. Rappelons, en effet, que le livret, qui s’inspire de la Genèse, du Livre des Psaumes et du poème épique de John Milton, “Paradise Lost”, fut à l’origine écrit par un poète anonyme en langue anglaise. Il fut proposé à Haendel qui ne le prit pas puis fut transmis par Haydn au protecteur des Arts et mécène le baron Van Swieten qui le fit traduire avant de le lui confier. L’œuvre est donc parfois chantée dans l’une des deux langues et parfois même dans les deux. Elle fut ce soir chantée en allemand comme lors de sa création originale.

On comprend, dès lors, que ce chef qui nous a déjà démontré la richesse et la pertinence de ses choix musicaux, admire la créativité de ce compositeur qui a toujours marqué sa carrière, puisqu’il a, entre autres, fondé en 2000 le London Haydn Quartet, ait toujours rêvé de diriger cette œuvre flamboyante. Un rêve dont il a su une fois encore à l’évidence communiquer l‘enthousiasme aux musiciens du chœur, de l’orchestre comme aux solistes. Un chef qui décidément nous ravie à chacune de ses prestations.
L’exécution d’hier soir, la parfaite direction aussi maîtrisée, inspirée que chaleureuse du Chef Jonathan Cohen, était extraordinaire tant par la qualité musicale de l’interprétation de l’orchestre (agrandie par l’occasion de trombones, flutes, piano forte, percussion, trompettes et bassons) des chœurs et des solistes, que ce soit la soprano Anna Lucia Richter, le ténor Allan Clayton ou le baryton Thomas E. Bauer. Des partitions et des voix parfaitement maîtrisées mais aussi une présence sur scène forte, riche de leurs propres qualités d’interprétation que l’on peut qualifier, compte tenu, de leur excellence, de véritable rôle bien au-delà de ce que des solistes livrent hors de l’opéra, mais aussi de l’interaction entre eux.
Riche, variée, somptueuse, la Création n’en est pas moins certainement difficile à exécuter surtout avec autant de maestria, sans ruptures notamment lors de l’entrée des solistes, du fait même de cette richesse et des différents registres qui l’illustrent. On passe ainsi en quelques instants et avec une dextérité remarquable et impeccable d’une quasi symphonie, à des récitatifs, des morceaux plus classiques dans le style de l’oratorio, ou même des messes comme l’Alléluia de la fin de la deuxième partie.
Mais là encore comme presque toujours avec les Violons du Roy et la Chapelle de Québec, ce sont les extraordinaires unité et cohérence qui régnaient sur scène qui convainquaient. Nous pouvions sentir que le point de départ était le noyau bien établi des Violons du Roy, agrandi par les instruments additionnels et les voix de la Chapelle de Québec. Agrandi, mais sans rien perdre de cette cohésion originelle et qui fait la marque de cette formation. Un indicateur visuel de cette maîtrise est que le maestro dirigea cet assez grand orchestre sans le bâton traditionnel.

Soulignons aussi que ce concert, avec ceux de Québec, furent la première fois que nous pouvions entendre le piano forte, joué par Christopher Bagan. Un piano forte, indispensable au répertoire de cet ensemble, récemment acquis par les Violons du Roy grâce à la Fondation des Violons du Roy et ses généreux donateurs.

F.J. HAYDN
Die Schöpfung (La Création), Hob. XXI:2
Directeur musical et chef : Jonathan Cohen
Orchestre : Les Violons du Roy
Chœurs L La Chapelle de Québec
Soprano Anna Lucia Richter,
Ténor Allan Clayton
Baryton Thomas E. Bauer
http://www.violonsduroy.com/fr
3 mars 2019
Maison symphonique de Montréal
1600, rue Saint-Urbain, Montréal
© photo : courtoisie