« …Notre vie tient peut-être à ce qui rôde dans notre tête d’enfant et que nous ne retrouvons que par bribes, par images qui ne sont jamais que fragments d’histoires à moitié vraies que poussent les mots. Et l’on reconstruit le fil qui relie les mondes, puisant dans l’imaginaire et la réalité, sans égard pour l’une, sans ménagement envers l’autre. … ».
C’est au cheminement vers ces retrouvailles qui vont nous livrer les clefs de ce que nous sommes, de qui nous sommes, qu’Hélène Dorion nous convie magnifiquement à travers Jours de sable. Les souvenirs, les sons les images de l’enfance, reviennent, se construisent, se reconstruisent à travers les images, les sons, les sensations vécus, ressentis, entendus. Tous prennent vie à travers les quelques lieux de l’enfance « … La maison familiale, l’école, le terrain de jeux. Parfois s’ajoutent l’hôpital, l’église, d’autres maisons… » ou encore les espaces naturels qui ont rythmé la vie et qui deviennent, eux aussi, nôtres, ceux de l’enfance, de notre enfance : Une plage, une ville. Mais ceux-ci ne seraient rien sans les êtres qui les peuplent et leur donnent vie : Parents, enseignants et grands-parents en premier lieu.
Mais le chemin est loin d’être linéaire, clair, tranquille, car, pour nous comme pour l’auteure, « … Je ne possède que des lambeaux d’histoires, des bribes arrachées à l’oubli, au secret. L’histoire, chaque fois recommence… ».
C’est par le relais des mots, et leur incarnation, réalité : dire lire, écrire que cette recomposition salvatrice va pouvoir s’opérer : « …Seuls les mots ont la force de saisir le monde… », « …Je voulais lire ce monde : Enfin, il se révélait à moi… ». Et naît, peu à peu, au long de ce récit autobiographique, le kaléidoscope des souvenirs de l’enfance qui prend son sens, donne son sens à la vie. La vie personnelle mais aussi une vie plus universelle et qui nous concerne tous comme autant d’enfants qui, nous aussi, parcourront ce chemin qui est le nôtre vers notre vie d’adulte, notre vie. Avec elle, nous le suivons, tel un journal intime qui nous y emmène grâce aux mots qui donnent sens, vie, grâce à leur découverte, puis à leur appropriation, jusqu’à leur transmission.

Ce très beau texte d’Hélène Dorion, que l’on lit et relit est un puissant hommage à l’enfance, dans ce qu’elle a de grand, de merveilleux comme d’expériences douloureuses et qui nous ont façonnés, construits. Il est aussi un témoignage sur l’importance déterminante des êtres, qu’ils soient bons ou néfastes, attentifs ou indifférents, nous y ont accompagnés, guidés, comme des lieux que nous avons traversés, habités où nous avons vécus ses relations, ses moments fondateurs. Il comporte notamment l’un des plus beaux textes qui puisse être sur l’art difficile d’être parent au-delà de notre volonté de faire au mieux et avec l’amour pour nos enfants. Il donne ses lettres de noblesse, loin des tourments de la psychanalyse à cette quête-sens qui nous anime et au cours de laquelle « …Un jour la fenêtre s’ouvre d’elle-même. On est prêt à laisser entrer le paysage… On retourne la lunette. On écoute ce qui résonne depuis toujours dans sa voix. On est prêt à rebâtir sa mémoire… » Mais, Jours de sable est aussi un magnifique hommage, dans son sens comme dans son style, aux mots, à l’écriture, au besoin vital que nous avons d’eux, tel un viatique indispensable. Et en cela, en ce siècle qui privilégie l’image et surtout l’image animée, il nous est précieux.

À propos de l’auteure
Hélène Dorion a écrit plus de trente livres (récits, poésie, essais, album jeunesse), qui ont été traduits et publiés dans une quinzaine de pays et pour lesquels elle a reçu de nombreux prix prestigieux, notamment les prix du Gouverneur général du Canada, Anne-Hébert, Alain-Grandbois, Mallarmé, Charles-Vildrac, Aliénor, Wallonie-Bruxelles et Léopold-Senghor. Ce récit est le premier d’un triptyque que complètent L’étreinte des vents et Recommencements.

Jours de sables
Auteur : Hélène Dorion http://www.helenedorion.com/
Avec une postface de Marie-Claire Blais
Récit
Éditions Druide : www.editionsdruide.com
Collection Reliefs
Prix Anne-Hébert
Finaliste : Prix des Libraires du Québec
Finaliste : Prix Spirale Eva-Le-Grand

Édition : Luc Roberge et Anne-Marie Villeneuve
Conception de la couverture :Anne Tremblay
Photographie de l’auteur : Maxyme G. Delisle
Édition originale: Montréal, Leméac, 2002
208p

Papier: ISBN 978-2-89711-429-9 / 14,95$
Numérique – EPUB: ISBN 978-2-89711-430-5/ 9,99$
Numérique – PDF: ISBN 978-2-89711-431-2/ 9,99$
© photo : courtoisie