Sauvage, vulnérable et lucide, la poésie de Fernand Durepos cisaille quelque part entre la coupe à blanc et l’orfèvrerie, rêve de brillant et de sombre, d’amour, de tout ce dont celui-ci est capable, tant par ses beautés que par ses ombres.

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Ré-édition du travail publié en 2004 par les éditions de l’Hexagone, Mourir m’arrive profite d’une visibilité nouvelle pour toute une génération de nouveaux.elles lecteurs.trices grâce au travail des éditions de l’Écrou.

Séparé en trois parties, le livre aborde non pas la relation amoureuse mais plutôt ce qu’il en reste quand tout disparait. Se promener dans des ruines brumeuses, observer le chant des plantes mortes, écouter les lacs de bières partir au soleil : voici ce que nous propose le voyage de Fernand Durepos.

Les titres sont parfois aussi longs et percutants que les poèmes eux-mêmes, donnant l’impression de lire des poèmes se reflètant dans l’eau d’un lac – s’imaginer ce que donnerait l’image réfléchie de l’écriture dans l’eau – et notre place figurant entre les deux.

SAVOIR CE QU’INCAPABLE DE PAYER VEUT DIRE

merci

de ne pas m’avoir

demandé combien

vendre sa mère

est le seul prêt sur gages

dont on ne se remets

jamais

Mourir m’arrive est assurément un livre touchant et bien ciselé. L’écriture est limpide ce qui facilite l’apparition d’images, autant graphiques que sensibles. Certaines strophes poussent les associations si loin que l’on frôle la sensiblerie – le tout assez justement rattrapé par la maîtrise d’écriture de Durepos.

LA NAVIGATION DU SANG COMME PURE PRATIQUE DU SILENCE

être en l’autre

ne plus répondre de rien

les artères en poupe

s’écouter nous traverser

Le livre ne fait pas que lister les moments heureux ou douloureux d’une relation intense et fusionnelle. Il nous permet de questionner aussi comment nous construisons nos relations intimes avec l’Autre. Que valent les dégâts de la passion dévorante ? Comment en parvient-on à s’oublier dans l’autre quitte à se voir changer, évoluer, se détruire possiblement ?

FOUS DANS LES VOITURES DE LUXE DE NOS NOMS

on dit de nous

que nous nous sommes aimés

par accident

probable

depuis

nous ne pouvons sortir intacts

l’un de l’autre

Certain.es penseur.es et chercheur.es ont découverts que les rencontres que nous faisons nous transforment fondamentalement, petit à petit. Que chaques passages et connexions interpersonnelles laissent une trace de l’autre personne en nous. Si c’est bel et bien le cas, Mourir m’arrive peut se targuer d’être le rapport d’incident après un lourd impact entre deux existences.

L’Écrou se distingue non pas seulement par la publication d’oeuvres de poésie québécoise contemporaine, mais par sa manière de les diffuser. À chaque nouvelle sortie, l’oeuvre du moment est accompagnée d’un teaser venant aggrémenter la lecture à venir. En voici un exemple pour Mourir m’arrive :

https://www.youtube.com/watch?v=Qy3XSKQcJrI

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Mourir m’arrive (Fernand Durepos)

67 pages

2004 (Ré-édition 2019)

Éditions de l’Écrou

https://www.lecrou.com/mm-home