La magnifique salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal accueillait cette semaine une coproduction d’ Arion Orchestre Baroque et du Studio de musique ancienne de Montréal pour quatre représentations d’un concert entièrement consacré au compositeur anglais Henry Purcell. Le titre de ce concert, Visages de Purcell donnait toute la portée et la pertinence de ce choix. En effet, le répertoire de Purcell est vaste, probablement l’un des plus vaste de son époque tant pour les genres d’œuvres que pour les registres musicaux. Encore plus impressionnant est qu’il a accompli cette distinction dans le court 36 ans de sa vie! Musique profane, musique religieuses se côtoient autant que se côtoient musique vocale et instrumentale au service d’un répertoire qui puise ses racines entre autres dans les polyphonies issues de la Renaissance et nous conduisent vers une musique baroque pleine et entière mais ouvre aussi la porte à ce qui deviendra la musique de la période classique. Mais son répertoire loin d’être dispersé est d’un éclectisme riche. Il se met aussi le plus souvent au service de la valorisation d’une déclinaison anglaise de la musique de son temps sans jamais verser dans un nationalisme sclérosant mais bien plutôt se mettant au service du rayonnement d’une culture : Langue anglaise chantée, bien sûr, mais aussi adaptation des types de musiques de l’époque aux spécificités anglaises ; Anthem, variation du motet particulièrement adaptée à la Réforme anglicane et sa liturgie usant de la langue vernaculaire dans les offices, « semi-opéra » quand le reste de l’Europe se tourne résolument vers l’opéra italien…
Le programme de ce concert, Visages de Purcell, était donc tout à la fois un hommage à un très grand compositeur mais aussi à la richesse de la variété de son œuvre et plus généralement de la musique anglaise . C’est donc naturellement que l’on y retrouvait anthems vocaux, notamment d’inspiration polyphoniques, ou instrumentaux et vocaux, odes, rondeau. Soulignons aussi l’intérêt et la pertinence d’avoir mis au programme un chaconne qui nous a permis de redécouvrir et surtout pour beaucoup d’entre nous, d’identifier ce genre musical si présent dans la musique des XVII et XVIIIèmes siècles et pourtant rarement nommés. Un choix de morceaux particulièrement judicieux et équilibré qui nous a effectivement permis de (re)découvrir tous ces visages de la musique de Purcell dont Henry Hall, son contemporain, disait : Il est de ces époques où un héros parait. Mais en un millénaire rarement un Purcell naît.
Le concert s’est ouvert sur le magnifique Anthem Thou knowest, Lord, the secrets of our hearts pour chœur parfaitement interprété. Une création qui met particulièrement en valeur l’influence polyphonique venue de la Renaissance de Purcell autant que sa capacité à dépasser tout en les enrichissant les codes et à s’en affranchir pour créer une harmonie qui lui est propre au service de la puissance et le l’intensité de la création. Cette œuvre, bien qu’écrite au début de sa carrière, restera une de ses œuvres fortes au point d’être jouée aux funérailles de la reine Mary et …des siennes. Les pièces suivantes jouées lors de ce concert mettaient pour leur part en valeur les anthems plus baroques unissant chœurs et instruments autant que la musique profane notamment l’Ouverture et suite pour la pièce Abdelazer, or The Moor’s Revenge pour cordes et basse. La musique profane, notamment en lien avec les fêtes et le théâtre, un registre musical revenu en force dans l’Angleterre post Révolution puritaine. Le final du concert était un double clin d’œil au musicien et à la musique elle-même avec Ode pour la fête de Sainte Cécile, Welcome to All the Pleasures pour solistes, chœur à 4 voix, cordes et basse continue, Z. 339, Sainte Cécile patronne des musiciens.
Le concert réunissait exceptionnellement les deux formations montréalaises qui se dédient à la musique de cette époque. Une collaboration fructueuse mais qui cherchait encore probablement à trouver ses marques dans sa cohésion, non pas musicale, mais de vie d’orchestre ce qui pouvait donner parfois une atmosphère un peu statique et un éclectisme du code vestimentaire (à l’exception de la couleur noire) peu habituel pour des formations de ce niveau. Dommage, car la maîtrise de l’interprétation ne faisait absolument pas défaut, sous la direction du chef invité le britannique Andrew McAnerney, directeur artistique du Studio de musique ancienne de Montréal, qui apportait, tant du fait de sa formation à Oxford que de son parcours professionnel, sa grande connaissance et maîtrise de la période baroque et notamment anglaise. Soulignons, également, les interprétations plus que convaincantes des solistes Stephanie Manias, soprano, Nicholas Burns, contre-ténor, Nils Brown, ténor et Normand Richard, baryton-basse et de la première violon Tanya LaPerrrière qui vient d’être nommée à ce poste avec une mention particulière, pour l’excellence de leur prestation, pour Burns, Brown, et LaPerrrière. Regrettons d’ailleurs que lors du salut final la soprano Stephanie Manias n’ait pas été appelée sur le devant de la scène comme les autres solistes. Un manquement inexplicable.
Les prochains concerts des deux formations se feront individuels avec, pour Arion orchestre Baroque, Haydn, Mozart, Rossini : les écrivains de l’âme les 14, 15, 16 et 17 mars et Musica Notturna, œuvres de Biber, Vivaldi, Barsanti, Boccherini et Mozart, les 2, 3, 4 et mai et pour le Studio de musique ancienne de Montréal, L’Italie baroque au féminin le 8 mars et Trois cantates festives, Johann Sebastian Bach, les 23 et 24 février.
Pour Arion orchestre Baroque, les années 2019 et 2020 seront aussi marquées par un changement progressif de direction artistique. En effet, Claire Guimond, fondatrice et directrice artistique depuis sa création en 1981, laissera peu à peu sa place à Mathieu Lussier jusqu’alors Chef associé de l’orchestre de chambre les Violons du Roy depuis 2012.

Visages de Purcell
10,11,12,13 janvier
Programme
Anthem Thou knowest, Lord, the secrets of our hearts pour chœur à 4 voix, Z. 58c
Anthem Hear my Prayer, O Lord pour chœur à 8 voix, Z. 15
Anthem Jehova, quam multi sunt hostes mei pour solistes, chœur à 5 voix et basse continue, Z. 135
Ouverture et suite pour la pièce Abdelazer, or The Moor’s Revenge pour cordes et basse continue, Z. 570Ouverture – Rondeau – Air – Air – Minuet – Air –
Jigg – Hornpipe – Air
Anthem Rejoice in the Lord alway pour solistes, chœur à 4 voix, cordes et basse continue, Z. 49, « The Bell Anthem »
Anthem O sing unto the Lord pour solistes, chœur à 4 voix, cordes et basse continue, Z. 44
Chaconne pour cordes et basse continue en sol mineur, Z. 730
Ode pour la fête de sainte Cécile Welcome to All the Pleasures pour solistes, chœur à 4 voix, cordes et basse continue, Z. 339

Andrew McAnerney, direction Chœur et orchestre
Stephanie Manias, soprano
Nicholas Burns, contre-ténor
Nils Brown, ténor
Normand Richard, baryton-basse

salle Bourgie Musée des beaux-Arts de Montréal : https://www.mbam.qc.ca/salle-bourgie/
Arion orchestre Baroque: http://www.arionbaroque.com/fr
Studio de musique ancienne de Montréal : http://smamontreal.ca/